Springsteen est un authentique gosse de la rue. Jusqu'à la fin des années 70, sa culture générale se limite au cinoche et à l'écoute des meilleurs disques rock. Ce n'est qu'en approchant la trentaine qu'il se met à lire, avec une frénésie d'autodidacte. Il dévore l'histoire des USA et, en concert, va jusqu'à conseiller des livres à son public. Parmi ceux-ci : "Né Un 4 Juillet", mémoires d'un vétéran du Viêt-nam, Ron Kovic. Au début des année 80, ces anciens combattants sont les parias de la société américaine. Springsteen n'a pas fait cette guerre, mais le batteur de son premier groupe y a perdu la vie. En 1981, Bruce Springsteen décide de s'engager plus concrètement envers ceux dont il raconte l'histoire. Spontanément il s'intéresse à cette tragédie moderne et contacte le président de l'association Viêt-nam Veterans Of America, Bobby Mueller.
A cette époque, l'association est dans l'impasse. Springsteen sympathise avec Mueller et décide que les bénéfices du premier des six shows qu'il donnera à Los Angeles en août iront à la VVA. Avant le concert, Springsteen passe une journée au centre local des vétérans, parmi les blessés. Et les premiers rangs du Sports Arena de Los Angeles (20 000 places) sont réservés aux anciens marines paraplégiques. C'est dans cette atmosphère singulière que débutera le concert.
Springsteen entre sur scène nerveux, explique que "le Viêt-nam a changé l'Amérique en une rue sombre où chacun fuit l'autre" et laisse la place à Bobby Mueller, lui-même handicapé. "Ce concert est le premier pas vers la fin du silence qui a entouré le Viêt-nam, déclare ce dernier, soulignant que c'est le symbole même de notre génération - le rock'n'roll - qui nous réunit ce soir." Dans la foulée, le E Street Band entame une version particulièrement intense de Who'll Stop The Rain de Creedence Clearwater Revival, devenu l'hymne des Viet vets. Plusieurs musiciens ont les larmes aux yeux et Springsteen lui-même, submergé par l'émotion, devra s'arrêter de chanter durant The River.
Le groupe ne jouera peut-être jamais aussi bien, offrant aux spectateurs une splendide version de la Ballad Of Easy Rider de Dylan / McGuinn, étonnant moment de douceur au cœur d'un concert tendu et serré comme un poing. C'est cette soirée qui amena Springsteen à raconter l'histoire d'un vétéran du Viêt-nam dans Born in The USA et Bobby Mueller fut le premier à qui il fit écouter la chanson.

A Night For The Vietnam Veterans Ou Written On The Wall